Jour du départ (09 Nov 2009)
Levé 7h du matin, stress constant, aucune envie d’oublier quelque chose d’important. Je réveille Anouar et Romain, Romain se lève sans problème, je toc à la porte d’Anouar , il me répond avec un grognement du genre ‘’Grrrouaaaisss !!!!!’’ .
7h30 tout le monde est levé , Matthias était sorti il revient avec le petit déjeuner, on mange même si j’ai l’estomac complétement noué, je me force à manger car je vais avoir besoin d’énergie pour surmonter cette journée qui s’annonce difficile ! On finit donc de manger et on trace à CDG. Une fois dans la voiture, la classique sensation d’avoir oublié quelque chose, mais bien évidemment on ne sait pas quoi…Je fais abstraction, mais je vérifie pour la 42eme fois que j’ai bien mon passeport sur moi, mon I-20, mon téléphone et l’argent que j’ai sur moi. Comme tout le monde, je stresse un peu (beaucoup) et j’ai peur de tomber sur les fameux bouchons parisiens. Coup de bol ça roule nickel, on arrive à l’heure, on a même le temps de se fumer une dernière cigarette avec Anouar et Romain. C’est parti, on va s’enregistrer ! Notre avion faisait escale à Philadelphie, donc 9h de vol jusqu’à Philadelphie. On fait la queue pour l’enregistrement, un gars s’approche de nous et demande nos papiers.
- OK, bon voyage Monsieur, merci de remplir ces deux formulaires avant d’arriver à l’enregistrement des bagages. - Puis-je avoir votre formulaire I-20 svp ? - Oui, un instant… Le voila
- Transportez-vous des armes ou des explosifs ? - Euh…nan !
- Pourquoi allez-vous aux USA ? - Pour mes études (et vous ?) - Vous as-t-on donné quelque chose qui ne vous appartient pas ? Vos valises sont-elles restées sans surveillance a un quelconque instant ? Vous as ton remis quelque chose pour quelqu’un ? - Non, bien sûr que non !
On retrouve donc PE* après l’enregistrement, et on se dirige vers les portes d’embarquement. Encore deux contrôles de sécurité en perspective. On marche, on marche, encore et encore (putain CDG c’est grand !!).
Entre temps je reçois des messages de mes potes de Paris, moment de tristesse, je me rend définitivement compte que ma vie parisienne est finie. Paris, j’y ai passé 5 belles années de ma vie, j’y ai rencontré des gens biens, des gens moins biens, j’y ai découvert le vrai sens des responsabilités, la culture française dans sa plus profonde authenticité, mais aussi la culture du mélange, du melting-pot, de la variété des connaissances, des mœurs et traditions. J’y ai découvert parfois de la haine, parfois de l’amour. Parfois des déceptions, parfois des surprises. Mais au final, il faut tourner une nouvelle page et partir à l’aventure. La vie est tellement courte et il faut parfois savoir saisir les occasions quand elles se présentent. Je reçois aussi un coup de fil de mon père qui me dit que je vais leur manquer, d’un ton grave, sérieux et triste à la fois. Mes parents dont j’étais déjà loin à Paris et dont je m’éloigne encore d’une bonne quinzaine de milliers de kilomètres. La larme a fini par tomber, trop d’émotions, c’est difficile, j’ai envie de chialer comme un gosse qui veut revoir sa maman, mais je ne peux pas, un homme ne pleure pas…( “Coup de bol”, je viens de me faire opérer des yeux, j’ai souvent les larmes aux yeux. ). Allez, je me reprends et dès que j’ai les yeux secs je pense un coup à mes parents et hop j’hydrate :'(
On arrive enfin à la GATE 51. Il y a environ une cinquantaine de personnes qui font déjà la queue. Je stresse un peu à cause des multiples médicaments que j’ai dans mon sac à dos (Je viens de me faire opérer les yeux au laser quelques jours auparavant ), des gouttes pour les yeux, bref plein de liquides qu’ils aiment pas trop à la sécurité. Bref, je vois tout le monde qui enlève ses chaussures, la ceinture, les pulls, etc.. si ils pouvaient ils nous fouetteraient à poil, et ils auraient encore des doutes… Bref, on enlève nos chaussures etc.. on passe le détecteur de métaux, et bien sûr la dame de la sécurité me demande la composition des petits flacons que j’ai dans mon sac à dos. Je la regarde, j’écarquille les yeux, elle voit qu’il y a plus de rouge que de blanc et elle comprend pourquoi j’ai des flacons dans mon sac, mais « par mesure de sécurité » on va quand même faire une fouille approfondie de votre sac. Bref, on passe leur test de sécurité soi-disant aléatoire. On s’approche de plus en plus, on va y arriver. On arrive dans la salle d’embarquement, on fait une troisième fois la queue pour embarquer…
On monte dans l’avion, on avait réservé trois places à côté, nickel. Les hôtesses ont l’air très sympa . L’avion décolle, c’est parti pour 9h de vol. Les hôtesses n’arrêtent pas de courir partout, le service est nickel. Le repas est plutôt convenable pour un repas d’avion , les boissons sont à volonté; rien à dire. Il y a des écrans 8 ‘’ sur chaque dossier de siège, donc tout le monde avait sa petite télé perso. Le choix des films et documentaires était plutôt varié.
Nous fîmes connaissance avec un couple adorable, deux personnes très intéressantes. Le gars, un sexagénaire passionné d’aéronautique qui a fabriqué son propre avion qui est d’ailleurs actuellement dans un musée. Des gens très humbles et modestes. Ils allaient voir le frère de la femme qui est ingénieur chez Apple dans la Silicone Valley. Bref, ils respiraient le bonheur, ils venaient de se retrouver après une séparation de 30ans et j’ai rarement vu autant d’amour émaner de personnes aussi âgées (non pas qu’ils soient vieux, mais c’est pas vraiment a cet âge que l’on fait des rencontres). Ils se sont achetés un biplace pour pouvoir voler en amoureux, et ce que j’ai trouvé magnifique c’est que rien ne leur fait peur, ils profitent à fond et pour eux impossible is nothing : je prends ça comme une leçon de vie.
On approche de Philadelphie, vue du ciel c’est gigantesque, des citernes énormes, des camions démesurés . Tout est rangé, carré, bien délimité . On est en Amérique, le rêve commence. Atterrissage impeccable, aucune secousse, ils n’ont pas les mêmes pilotes qu’à Casablanca, ou ça vient peut-être de l’avion, ou encore de la qualité de la piste… passons! J’ai les yeux secs, qui piquent, j’en peux plus, j’ai envie de fumer une cigarette. Mais avant, il faut passer la douane américaine ainsi que la Homeland National Security. Encore quelques formulaires à remplir. Moment de vérité, c’est ici que va se décider mon entrée sur le territoire Nord-Américain. On fait donc la queue pour le Homeland Security Check. Une fois mon tour, l’agent de police me fait signe d’avancer. Avec mon passeport écrit moitié en Français et moitié en Arabe, je suis quelque peu inquiet surtout que je sais que depuis le 11 Septembre 2001 ils aiment pas trop les arabes.
- Hi
- Hi
- What are you in America for ?
- Studies
- What kind of studies ?
- Computers Engineering
- Where ?
- In San Francisco
- How long will you stay in America ?
- About 1 year.
- Do you carry any money, drugs, alcohol or tobacco ?
- Yes, I’ve something like 3000$ and some cigarets
- Ok, put your left finger on the machine
- Ok
- Now put your right finger on the other side of the machine
- Ok
- Now look at the camera while a take a photo
- Ok
Après avoir pris mes empreintes, ma photo (et si il pouvait mon ADN) il me tamponne un papier qu’il agrafe sur mon passeport et me le rend avec un « Welcome to America » . Ouf, je suis soulagé. Première étape passée, je ne m’inquiète pas pour la douane vu que je n’ai rien à me reprocher. Je vais récupérer mes bagages, pour une escale internationale on doit passer la douane avec nos bagages pour ensuite les remettre dans la soute d’un autre avion. On passe la douane sans problèmes, on commence à se demander où peut-on fumer une petite cigarette bien méritée. On continue à avancer en se dirigeant vers la zone de dépôt des bagages. Les sièges sont assez large dans le hall, ça sent la nourriture à profusion. En marchant je contemple les immense 4×4 GMC qui ornent le parking du personnel de l’aéroport. Les gens que je croise ont l’air plutôt cool, pas stressés, assez souriants. Et déjà je trouve que ça commence à parler espagnol et chinois sévère. Pas mal d’hispaniques et d’asiatiques dans l’aéroport (tu m’en diras tant), je me dis que ça doit être parce qu’ils voyagent beaucoup, bref. On remet les bagages à des gars de l’US Airways, et puis je vais demander à un agent où est ce que l’on pourrait s’en griller une, il me dit de suivre les gens et de « tell them u wanna smoke whem u’re downstairs »(de leur dire que je veux fumer une fois arrivé en bas) . On descend, on voit une file vers des portes de sécurité, comme des cons on fait la queue, on passe la sécurité où j’ai encore le droit à un contrôle aléatoire. Un vieux flic black, moustache blanche, stéréotypé à mort, vient vers moi et me demande de le suivre, il veut fouiller mon sac. Le mec m’emmène dans une pièce, gentiment, il discute avec moi, me questionne mais de manière plus curieuse qu’autoritaire. Il fait le gars qui s’intéresse à moi, pas le mec qui te questionne à la manière commissariat. Il fouille mon sac à dos (encore une fois), me remercie et me laisse partir en me souhaitant bonne chance. Je vous avouerais que quand il m’a fait rentrer dans la pièce, j’avais environ tout les membres de mon corps qui tremblaient, ne connaissant absolument pas leurs méthodes de fouilles (si vous voyez ce que je veux dire), et ce que j’ai vu dans les films ne me rassure pas, je m’attends au pire. Une fois qu’on a tous passé le Security check, on demande à un agent ou est-ce que l’on pourrait fumer cette putain de clope. Il nous dit que c’est trop tard et qu’il faut sortir pour fumer et accessoirement devoir repasser le Security check pour rentrer à nouveau. On réfléchit, il nous reste 1h avant décollage. On vient de se taper 9h de vol et enchainer directement sur 8h de vol sans fumer relève de l’exploit, surtout avec tout le stress ambiant, j’en pouvais plus. J’appelle Hamza pour lui demander si fumer dans les toilettes pouvait avoir des conséquences démesurées, car c’était la seule solution envisageable sans risquer de rater l’avion. Il me dit qu’il vaut mieux sortir , effectivement commettre un délit alors que ça fait même pas une heure que j’ai les pieds sur le sol américain ce n’était pas vraiment raisonnable. Fort de cet argument, Hamza me convainc d’écarter cette solution. On va donc voir une femme de la sécurité, je lui explique mon problème et elle me dit que c’est jouable de sortir fumer et de rentrer après. Pas de temps à perdre, on sort, on descend dans une sorte de quai pour le train qui va en ville. Et là on s’en grille deux chacun, boum ca retourne la tête mais ça fait du bien. Et hop c’est reparti pour un petit coup de stress, le contrôle de sécurité, encore se déshabiller, vider son sac, sortir son pc portable, bref la totale.Je vous évite la répétition, une fois tous les contrôles passés, une se retrouve dans la galerie commerciale de l’aéroport.
Premier constat, de la bouffe, de la bouffe partout. Le kiosque à journaux vends des sucreries, des glaces et des pop-corn. Deuxième constat, presque instantanément, les gens sont gros. Mais pas gros normal, mais plutôt gros démesurés. Honnêtement, j’ai vu des gros(ses) comme j’en avais jamais vu auparavant. Ce n’est pas péjoratif ou méchant, mais c’est hallucinant. Mais le lien est immédiat, bouffe partout, gens gros… gens gros, bouffe partout… Je parle mais, tout ça, ça donne faim ! Il nous reste 25mins avant l’embarquement et dans ce vol, aucun repas fourni, seulement des trucs payants.
On localise d’abord la porte d’embarquement où l’on retrouve d’ailleurs nos deux amis du vol précèdent. On laisse Matthias avec eux et nos affaires, on va se chercher à bouffer. On passe devant un fastfood qui vend des parts de pizza. 3$ la part de pizza, mais quel délice, déjà je commence à avoir peur de grossir. En voyant tous ces obèses (il n’y a pas d’autres termes dans mon vocabulaire qui pourrait définir ces gens), j’ai peur de devenir comme eux, et je constate que mes futurs colocataires pensent exactement la même chose. Mais je suis agréablement étonné de la manière dont ils le vivent. Ça n’a absolument pas l’air de les déranger. (Tu me diras, si ils sont tous comme ça y a pas de raisons que ça les dérange) . Des femmes qui en Europe n’oseraient même pas sortir de chez elle sont ici en minijupe en exhibant fièrement leurs deux jambonneaux . Pour moi ça relève plus de la vision d’horreur que de l’attirance sexuelle mais apparemment ça doit plaire à certains. Une fois montés dans l’avion, on négocie direct pour avoir une rangée de trois places. Déjà les hôtesses ont l’air moins internationales, moins sexy aussi. Une fois les places négociés, on s’installe et go pour le décollage. 1h après une hôtesse qui nous a entendue parler français est venu nous proposer ses services (non pas de bonus, seulement des services de base) en français, un francais un peu rouillé mais belle initiative de sa part. Je lui réponds en anglais, elle s’assoie derrière nous et c’est parti pour 1h de discussion, elle en français et nous en anglais. Elle était franchement adorable et ça donne une belle image des américains. Car on se base sur notre expérience et les seuls américains qu’on a croisé pour l’instant étaient plutôt cool.
Après avoir discuté avec l’hôtesse, je vais voir mon ami aviateur pour avoir plus d’infos sur le type d’avion qu’il a construit et puis mieux le connaître. Une connaissance pareille ça peut toujours servir. De toutes façons, ne serais-ce que le fait de lui parler, je me cultive. Et puis c’est rare des gens aussi sociable, profitons-en. Apres une petite demi-heure très intéressante a bavarder avec cet homme. Nous reprîmes nos places en perspective de rejoindre P.E. dans un sommeil profond. Mes yeux me brûlent, achevez moi j’en peux plus, j’ai vidé tous mes flacons de sérum physiologique . J’arrive à m’assoupir, quel bonheur, la braise dans mes yeux s’éteint petit à petit. On arrive à San Francisco, la ville est en lumières, j’ai hâte. ..d’aller me coucher. Pour moi il est 6h du matin, ici il est 21h. J’ai faim, je suis crevé, et j’ai les yeux qui me cassent les couilles. PE avait prévu d’aller chez des amis à ses parents, des personnes que ni lui ni moi ne connaissons. Ça me gêne trop, je suis trop fatigué et je préfère payer l’hôtel et être « chez moi » plutôt que d’être mal alaise et de déranger des gens que je ne connais même pas. Donc maintenant, faut trouver un hôtel pas cher. Que faire ?
PE est parti avec des amis à lui qui sont venu le chercher en voiture. Matthias et moi sommes à l’aéroport en standby. Je vais appeler mon sauveur Hamza. Je l’appelle (avec ma puce SFR), mais sous réseau AT&T (Attention T’es Taxé). Il me dit de trouver une cabine téléphonique et de lui donner le numéro pour me rappeler gratos dessus. Une fois la manœuvre effectuée, je lui expose notre problème et lui demande de me trouver un hôtel pas trop loin de l’aéroport à un prix raisonnable.
3 cigarettes plus tard, mission accomplie, il me donne l’adresse de hôtel (Hotel Howard Johnson, 222 South Airport Bv), le numéro de téléphone et les prix. On prend donc un taxi. Première fois que je monte dans un taxi américain. Il ouvre le coffre de sa Crown Victoria, c’est littéralement géant. Nos valises rentrent à l’aise dans son coffre. Bref, on fait quelque miles, on arrive à l’hôtel, je vois 12$ au compteur (c’est assez cher pour le tempos que l’on est restés dans le taxi), je lui demande combien je lui doit, il me dit 12$ + tips. Ne connaissant pas les traditions ici, je lui donne 15$. Il me remercie froidement et s’en va. Je rentre à la réception et je demande le prix des chambres. Il m’annonce 79$ + taxes. Ici les prix affichés sont toujours les prix hors taxes. C’est d’ailleurs complétement débile je trouve. Faut toujours calculer et les taxes varient en fonction des produits, bref une belle arnaque. Hamza au téléphone m’avait dit 59$ + taxes. Ya eu une augmentation de 20$, soit 40% plus cher que ce m’a dit mon pote au téléphone. Je négocie avec le mec, je lui dis que j’ai vu moins cher sur internet etc.. Bref, on coupe la poire en deux, je paye 69$ + taxes ce qui m’a fait grosso modo du 75$ .
On rentre dans la chambre, c’est le soulagement. On va enfin pouvoir se reposer après une journée forte en émotions. On se commande une grosse pizza, j’appelle mon sauveur pour lui dire que je suis bien arrivé, il me dit de ne pas oublier le pourboire du livreur, qui est en général d’au moins 10% . Il m’explique que les prix ici sont tous hors taxes, et que c’est dans leur culture. Il me dit aussi que c’est ce qui fait que tout le monde y gagne. La roue tourne et le pourboire que tu donnes, tu es bien content de le recevoir quand c’est toi qui livre. That’s the way money turns.
* PE = Pierre-Edouard